Claude Debussy Images pour orchestre, L. 122 (1912)
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16.11.2025 FLAGEY BRUXELLES
Dans une lettre de 1920, le compositeur espagnol Manuel de Falla (1876-1946) exprime ainsi son admiration pour Ibéria, le mouvement central d’Images pour orchestre de Debussy : « Comment est-il possible qu’un Français qui n’a à peu près jamais mis les pieds en Espagne parvienne à rendre notre musique folklorique avec une telle maîtrise ? Nombreux sont les compositeurs espagnols qui ne lui arrivent pas à la cheville et doivent être bien jaloux ! »
Ce n’est pas en Andalousie, mais à Paris, notamment lors de l’Exposition universelle de 1889, que Debussy (1862-1918) découvrit l’atmosphère espagnole. À la fin du XIXe siècle, la capitale française se trouvait sous le charme des cultures exotiques, ce qui donna lieu à un métissage fertile entre l’impressionnisme français et la musique colorée d’Espagne et d’Orient.
Images pour orchestre nous mène en Grande-Bretagne, en Espagne et en France. Debussy prit plusieurs années, entre 1905 et 1912, pour composer cette œuvre orchestrale monumentale. Chaque mouvement fut créé séparément.
Le premier mouvement achevé fut Ibéria, une ode à la culture espagnole. Même s’il n’avait passé que quelques heures en Espagne, Debussy réussit néanmoins à parfaitement en rendre l’atmosphère. Et tout cela uniquement à partir de ce qu’il avait lu, entendu ou vu sur ce pays méridional… Ibéria présente à son tour trois parties. À propos de la première partie, « Par les rues et par les chemins », Debussy écrivit : « En ce moment, j’entends les bruits que font les chemins de Catalogne, en même temps que la musique des rues de Grenade. » Ces impressions sont traduites en une musique vivante, avec castagnettes et tambourin. La deuxième partie, « Les parfums de la nuit », évoquait pour de Falla « la magie enivrante des nuits andalouses ». Ici, les castagnettes cèdent la place à une instrumentation intimiste et à des combinaisons sonores sensuelles. À la fin, les cloches annoncent l’aube : après le réveil, l’ambiance de fête se déchaîne dans l’entraînant « Matin d’un jour de fête ». Une foule joyeuse danse aux accords chaleureux d’une banda de guitarras y bandurrias, les vents jouent des mélodies enjouées et, dans le lointain résonne un air de violon.
Dans Gigues, Debussy dépeint la campagne britannique baignée dans la brume. Au-dessus des cordes avec sourdine flotte un thème emprunté à The Keel Row, un chant folklorique du Nord de l’Angleterre. Ensuite, le hautbois alto joue une mélodie mélancolique, entrecoupée par les échos du premier thème. Le dernier mouvement est une ode au printemps et à la chanson française. « Vive le Mai, bienvenue soit le Mai avec son gonfalon sauvage », écrivit le compositeur en épigraphe. Il a entrelacé deux chansons pour enfants – la berceuse Do do l’enfant do et la chanson à danser Nous n’irons plus au bois – de manière à produire une polyphonie légère et raffinée.
Debussy lui-même qualifiait ses Images pour orchestre de « paysages auditifs » – nés de son imagination, puis voyageant dans celle de l’auditeur.