Charlie Chaplin, oscarisé pour la meilleure musique de film pour « Les feux de la rampe », disait que la musique peut transmettre davantage que la caméra, mais ne doit jamais prédominer la voix de cette caméra… C’est à l’issue de cette magnifique introduction pour la catégorie de la Meilleure musique de film (« Best Original Music Score ») que l’actrice Penélope Cruz et l’acteur Owen Wilson ont décerné la statuette au compositeur français Ludovic Bource pour la bande sonore du long-métrage « The Artist » lors de la 84ème cérémonie des Academy Awards en 2012.
Ludovic Bource n’a jamais suivi de formation classique en composition ou orchestration. C’est durant les cours d’accordéon de son enfance qu’il a appris le solfège. Son œuvre pleine de caractère lui a valu de battre la double nomination de John Williams. Le 26 février 2012, il s’est levé de son siège en daim rouge du célèbre théâtre Dolby (anciennement le théâtre Kodak) et a salué, aux côtés de John Williams, d’autres grands compositeurs de musique de film comme Howard Shore et Alberto Iglesias. Il était le lauréat de la soirée.
Une journée mémorable et un accueil triomphal au Brussels Philharmonic, là où l’histoire a commencé. Personne ne s’attendait à un tel succès mondial pour The Artist. Malgré la disparition du cinéma muet en noir et blanc depuis des années, ce récit nostalgique sur le thème A Star Is Born a su toucher les cœurs du grand public, de la presse spécialisée et de l’industrie cinématographique internationale.
Avec le Brussels Philharmonic, ils avaient trouvé le partenaire idéal pour mener ce projet si particulier à bien : un orchestre motivé, réputé pour la grande qualité de ses prestations, sa flexibilité et sa capacité à interpréter les partitions les plus diverses – et son expérience dans l’exécution de musique de film. L’excellente acoustique du Studio 4 a conféré encore plus de caractère aux parties symphoniques. L’exécution des parties big band a été confiée au Brussels Jazz Orchestra, dirigé par le saxophoniste Frank Vaganée, tandis que Jef Neve, la légende du jazz, a joué les parties de piano tantôt classiques et tantôt jazzy.
En avril 2011, Ludovic Bource a passé six jours au Studio 4 de Flagey pour enregistrer 80 minutes de son. Interrogé sur son meilleur souvenir lié au film, le compositeur de la bande sonore du film a répondu : « L’enregistrement de la musique avec le Brussels Philharmonic : 80 musiciens dont une cinquantaine de cordes, quatre cors d’harmonie, quatre trombones, cinq percussionnistes qui allaient et venaient, un harpiste, dix techniciens, cinq orchestrateurs et trois arrangeurs. C’était fabuleux ! »
Dans un film muet, la bande-son occupe évidemment une place dominante, car en l’absence de dialogue, c’est à la musique de transmettre les émotions. Des années auparavant, Michel Hazanavicius avait confié son rêve de tourner un film muet à Ludovic Bource. En écrivant son récit, le réalisateur a puisé l’inspiration dans la musique de Waxman et Steiner et partagé sa playlist avec Ludovic Bource, qui s’est à son tour inspiré des œuvres symphoniques de Prokofiev, Debussy, Ravel... Et même s’il avait déjà composé quelques thèmes avant les enregistrements, il avait plus que jamais besoin des scènes montées pour pouvoir se mettre réellement au travail.
« Comme toujours lorsque l’on enregistre pour le cinéma, le processus est très stressant », raconte le chef d’orchestre Ernst Van Tiel. « La bande-son est la dernière étape de la production d’un film et la musique n’est souvent écrite qu’une fois le film terminé. Ici, les choses se sont passées différemment, mais c’était une envie de l’orchestre. L’ambiance était magique pendant les enregistrements. » Le compositeur était en contact direct avec le réalisateur en tournage à Los Angeles. Une nouvelle scène ou idée devait être très rapidement traduite en musique. Parfois, la partition était écrite le soir, imprimée la nuit et enregistrée le lendemain. « Je n’ai vraiment pas facilité la vie de Ludovic Bource et de l’orchestre, mais ils ont fait un travail exceptionnel », a déclaré Michel Hazanavicius dans l’une de ses interviews.
Tout s’est mis en place in extremis pour que le film puisse encore faire partie de la sélection officielle du Festival de Cannes. Fort heureusement, car après le visionnage, le public français, le public international et les critiques brûlaient d’enthousiasme. Et on connaît la suite… Après la cérémonie des Golden Globes et des Oscars, The Artist a triomphé aux BAFTA Awards et aux Césars. Le film a conquis le monde entier grâce à sa bande-son exceptionnelle, et a fait connaître le Brussels Philharmonic aux quatre coins de la planète.