Brussels Philharmonic | Le guide d’inspiration de Kazushi Ono

Le guide d’inspiration de Kazushi Ono

L’inspiration et la créativité — des éléments essentiels à toute forme d’art. Pourtant, leur fonctionnement reste un mystère. Qu’est-ce qui déclenche l’inspiration, et quand s’évanouit-elle ? Comment un chef aborde-t-il une partition de manière créative ? Et que peut-on encore ajouter à une œuvre vieille de plus de cent ans ?
Chaque compositeur, musicien ou chef apporte sa propre réponse à ces questions. En nous penchant sur la vision de Kazushi Ono, nous avons découvert son amour pour la nature, son lien intime avec la partition et quelques moments d’or de sa carrière.

W/S 26 avec Kazushi Ono

Que signifient pour vous la créativité et l'inspiration ?

« La créativité joue, bien sûr, un rôle crucial pour un chef d'orchestre. Cependant, contrairement à un compositeur la créativité d’un chef ne doit pas s’étendre librement au-delà de la partition dans le but de se mettre en avant. Les chefs doivent toujours garder à l'esprit qu’ils doivent rester aussi fidèles que possible à la partition, fidèles à l’intention du compositeur, fidèles à ce que les compositeurs veulent transmettre au public.

Nous sommes, pour ainsi dire, des médiums spirituels, et la créativité doit s’exprimer de cette manière. En lisant la partition, les chefs entament une conversation éternelle avec les compositeurs, souvent au-delà du temps et de l'espace, et bien sûr en personne dans le cas de nos compositeurs contemporains. »

Que faites-vous lorsque vous vous trouvez dans une impasse créative ?

« Près de chez moi à Bruxelles, il y a de beaux parcs et lacs, notamment la Forêt de Soignes. J'aime toujours me promener dans cette belle nature à proximité, écouter le chant des oiseaux ou le bruissement des feuilles, sentir la brise, parfois même apprécier d'être surpris par une “drache” soudaine typiquement belge. »

Comment abordez-vous une partition ?

« Je joue du piano lorsque je lis les partitions. Pour imaginer l’esprit de l’époque dans laquelle vivaient les compositeurs, je lis les romans ou regarde les tableaux de leur temps. Par exemple, pour comprendre le "Zeitgeist" de l’époque de Mahler, je regarde les tableaux de ses contemporains Gustav Klimt et Maximilian Lenz, et j’admire l’architecture d’Otto Wagner ou de Josef Hoffmann (je contemple toujours le Palais Stoclet sur l'Avenue de Tervuren en rentrant de Flagey !).

Pour mieux comprendre Mahler, je lis les romans de Dostoïevski ou de Goethe, dont on dit qu’il était un lecteur assidu. En dehors des dialogues à travers la partition, ces activités m’aident à avoir une perspective plus large sur l'œuvre et le contexte de sa composition. »

Avez-vous des rituels avant un concert ?

« Avant le concert (ou la répétition), je répète la musique encore et encore dans ma tête, où que je sois, que ce soit dans le métro ou en traversant la rue. Pour me détendre, je prends un bain chaud (une habitude japonaise) avec des huiles de bain relaxantes. »

Quels sont les moments de votre carrière que vous n’oublierez jamais ?

« La Cinquième Symphonie de Mahler lors de mon concert inaugural avec le Brussels Philharmonic est, bien sûr, un moment mémorable, car c'était une rencontre avec l'orchestre et le public. En même temps, c'était pour moi un "retour à la maison" à Bruxelles après La Monnaie.

Dans ma carrière, il y a eu plusieurs concerts inoubliables : la Symphonie n° 2 (Résurrection) de Mahler avec l’Orchestre Philharmonique de Zagreb en 1992. C'était pendant la guerre et la ville était plongée dans le noir. Cependant, les musiciens et le public ont partagé un moment de prière ensemble dans la salle. Une expérience similaire a eu lieu en 2011 à Tokyo avec l'Orchestre Philharmonique de Tokyo après le Grand Tremblement de terre à l'Est du Japon. La salle était remplie d'une prière pour les victimes, à travers la musique. Ces moments m’ont fait penser que la musique est essentielle pour nous aider à affronter les difficultés, en nous donnant l’énergie d’aller de l’avant vers l’avenir. »