Même si Cage est décédé longtemps avant Boulez, ils vivent à peu près à la même époque. Ils se rencontrent au début des années 1950, lorsque Cage s’intéressait au sérialisme et à la musique complexe, et se fréquentent (leur correspondance a d’ailleurs été publiée), jusqu’à ce que Cage s’intéresse à la manière dont un son peut être considéré comme de la musique, alors que Boulez s’attache à faire perdurer le modernisme après Webern et Messiaen. Boulez ne dirige jamais la musique de Cage et la scène contemporaine se scinde entre ceux qui suivent Boulez et dont celui-ci dirige la musique (notamment Ligeti et Carter) et ceux qui suivent Cage, tels Alvin Lucier et d’autres compositeurs plus expérimentaux encore que Cage.
Ainsi, si les deux compositeurs sont apparentés, ils sont également en opposition, et entendre leurs œuvres en contraste ne manquera pas d’être fascinant. Cependant, nous entendrons également leurs similitudes : même s’ils semblent aux antipodes et que leurs esthétiques sont très différentes, leur quête de beauté, leur sens étonnant de l’orchestration et du son les rapprochent.
Nous présenterons l’une des pièces les plus célèbres de Cage, son Concerto pour piano préparé. Des objets sont placés sur les cordes du piano, ce qui en transforme profondément le son et offre une expérience d’écoute inédite. C’est un concerto comme nous en connaissons grâce à Beethoven et à Mozart notamment, mais les sons sont complètement nouveaux et surprenants. Dans ce traitement de l’instrument transparaissent une grande fantaisie et une volonté de modernité.
Nous interpréterons également une pièce beaucoup plus tardive de Cage, l’une de ses Number Pieces, qui portent comme titre le nombre de musiciens impliqués, ici 74. Elle n’est pas dirigée et tous les musiciens suivent un chronomètre ; ils n’ont que très peu de matériel à jouer, mais disposent d’une grande liberté individuelle quant au moment et à la manière de jouer la partition qu’ils ont devant eux. Même s’il s’agit d’une musique entièrement notée et non improvisée, chaque musicien a des décisions à prendre, ce qui fait que chaque interprétation est complètement différente des autres.
Ilan Volkov